La loi Pacte entend repenser la place des entreprises dans la société. Cela passe par trois mesures « d’ouverture » : l’intérêt social élargi, la possibilité de doter la société d’une raison d’être ou de lui donner une mission. Découvrez les différences entre ces trois notions.

Repenser la place des entreprises, et engager une véritable réflexion sur leurs engagements et leur finalité. C’est ce que la  loi Pacte prétend faire. Pour remplir cet objectif, la loi a en premier lieu modifié la définition de l’objet social de l’entreprise dans le Code civil. « Jusqu’à présent, il fallait essentiellement s’en remettre à l’article 1832 du Code civil, qui précise que la finalité d’une société est de réaliser un bénéfice ou une économie profitant aux associés. Désormais, il faut tenir compte également de l’article 1833 alinéa 2. Lequel prévoit que la société est gérée dans son intérêt social en prenant en compte les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. C’est la première fois qu’une norme de gestion de la société est posée par le Code civil », estime Nicolas Borga, professeur de droit à l’université Jean-Moulin-Lyon-III et membre du comité scientifique du cabinet Fiducial Legal by Lamy. Toutes les sociétés, d’une EURL à une société cotée en Bourse en passant par les SCI ou les sociétés d’économie mixte, sont soumises à cette nouvelle rédaction de l’ article 1833 du Code civil . Elles n’ont aucune démarche particulière à accomplir pour que leur intérêt soit désormais élargi.

Une « raison d’être » dans les statuts

Deuxième apport de la loi Pacte à l’ article 1835 du Code civil  : la possibilité de modifier ses statuts et d’y insérer une « raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». A la différence de l’intérêt social, il ne s’agit toutefois que d’une option. L’objectif est, comme avec la modification de l’article 1833, d’intégrer au sein du Code civil la philosophie de la responsabilité sociale de l’entreprise. La raison d’être traduit une ambition de la société et, comme l’intérêt social, elle marque une volonté politique de faire émerger des préoccupations qui ne soient pas seulement financières et à court terme. Elle va donc en quelque sorte servir de guide pour les décisions importantes. « Le Gouvernement souhaite faire évoluer le comportement des acteurs avec des outils qui ne sont pas nécessairement très contraignants, et privilégier une approche volontaire de droit souple. Ce n’est pas un engagement définitif. La raison d’être peut en effet être modifiée voire supprimée, à condition d’avoir une majorité renforcée  », explique Nicolas Borga. Il appartient ainsi à l’entreprise de définir l’intensité de ses obligations.

Un statut de société à mission plus contraignant

Troisième nouveauté, la création du statut de  société à mission . L’idée est de permettre uniquement aux sociétés commerciales qui le souhaitent de poursuivre dans le cadre de leur activité « un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux », selon le nouvel article  L. 210-10 du Code de commerce . Toute mission d’intérêt collectif ou général, telle que la protection de l’environnement, le maintien d’une implantation locale ou la revitalisation d’une région, peut ainsi figurer dans les statuts. Ce statut, qui doit être déclaré au greffe du tribunal du commerce et qui correspond à une labellisation, suppose une démarche particulière. Une approche bien plus contraignante que la raison d’être, car plusieurs conditions doivent être respectées. La raison d’être doit être en premier lieu précisée dans les statuts. Ces derniers doivent formuler la mission, son impact social, sociétal ou environnemental, les objectifs chiffrés ainsi que les modalités de suivi. Les enjeux de la mission doivent également être intégrés dans la gouvernance de l’entreprise, soit au sein de l’organe de contrôle principal, soit par la création d’un comité de mission distinct. « L’exécution des objectifs doit par ailleurs faire l’objet d’une vérification par un organe tiers et indépendant  », commente Nicolas Borga. Un dispositif clairement destiné à inciter les entreprises à adopter un comportement plus vertueux.